Retour sur la mission de C. Delloye lors de l’appel à projets « L’industrie pour les 11-16 ans »

Caroline Delloye

Directrice générale du groupe Gonzales

Caroline Delloye présente les métiers de l’industrie aux collégiens et lycéens pour mieux susciter des vocations le moment de l’orientation venu. C’est tout naturellement qu’elle a accepté de rejoindre le comité d’experts constitué par Ilyse pour sélectionner les Lauréats du 1er appel à projets de la fondation : « L’industrie pour les 11-16 ans : tout un monde à (re)découvrir ! ».

En tant qu’industriel, que vous a apporté cette mission d’expertise pour Ilyse ?

J’ai pour habitude d’aller à la rencontre des collégiens et lycéens pour leur parler de métiers dont ils n’imaginent même pas l’existence. Pour eux, l’industrie c’est soit une start-up soit un grand groupe comme Stellantis (PSA). Entre les deux, le néant. Il ne faut pas croire que c’est un manque de curiosité de leur part. Le problème est qu’ils n’ont pas accès à la culture industrielle ni chez eux ni à la télé. Pourtant, l’industrie nous entoure, les machines de production des objets quotidiens (agro, téléphonie…) sont conçues et fabriquées par des hommes et des femmes à la base, elles ne tombent pas du ciel pour produire à la chaîne. Sans parler du matériel indispensable à la santé des citoyens, la production d’énergie…

Pour concrétiser cela, je rêve de voir une émission grand public qui détaillerait toute la chaîne de valeur des métiers industriels indispensables à notre vie quotidienne, un « MasterChef » mais version industrie, une téléréalité qui serait consacrée à la réalisation d’un projet industriel – un groupe de jeunes devrait relever le défi d’imaginer et de construire et réaliser des objets de notre vie de tous les jours (la voiture de demain ou une nouvelle machine dans le domaine de la chirurgie…) – et qui serait relayée sur Snapchat ou Tiktok. Là on toucherait les jeunes et on rappellerait à tous que l’industrie est partout. Alors, en attendant je reprends les bases… C’est bien, c’est nécessaire. Et comme je suis très investie au sein de l’UIMM Lyon à travers mon mandat à la commission formation, j’ai énormément appris dans ce domaine ce qui m’a permis d’améliorer ma présentation des cursus post 3eme et post bac aux élèves. Car il ne faut pas se leurrer, au moment du conseil de classe quand il s’agit « d’orienter » un élève vers une filière professionnalisante, aucun professeur, ou si peu, ne pense à l’industrie.

Ilyse m’a permis, à travers ce comité d’experts, d’entrer en relation avec des enseignants, proviseurs, convaincus par les opportunités qu’offre la filière. Des personnes en prise directe avec les élèves et leur avenir. En clair, avec nos futurs talents.

À quand une émission grand public, comme MasterChef, consacrée à la réalisation d’un projet industriel et relayée sur les réseaux sociaux ?

Le groupe Gonzales a beaucoup de postes ouverts et très peu de candidats, nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, 70 000 postes sont à pourvoir dans l’industrie. Nous avons besoin d’anticiper les départs à la retraite et former des jeunes à nos métiers en atelier prend du temps. Nous ne pouvons plus nous permettre d’en perdre en touchant au compte-goutte élèves et professeurs. C’est pourquoi l’aspect de massification et d’essaimage des actions retenues par cet appel à projets est essentiel à mes yeux. Il faut y aller et avec toutes les parties prenantes.

Ça me motive d’échanger avec ces personnes venues d’horizons différents et de voir que des collectivités se donnent les moyens de pousser des actions en ce sens. Depuis 5 ans, on sent un élan en faveur du secteur de l’industrie et de nos métiers ; ainsi qu’une prise de conscience du rôle majeur que doit retrouver l’activité productive dans l’économie française, c’est positif. Maintenant, il est temps de concrétiser cet élan et je crois que la fondation Ilyse peut y contribuer de la façon la plus pertinente : au niveau local, au plus près des habitants et des usines.

Quelles formes doivent prendre ces actions de médiation auprès des jeunes ?

Être orientées terrain et embarquer professeurs, directeurs d’établissements et industriels. C’est selon moi, le chemin le plus efficace et le plus rapide – toutes proportions gardées, j’en ai bien conscience – pour parvenir à dépoussiérer l’image de l’industrie et déconstruire l’idée reçue qu’un jeune de 16 ans arrive à l’atelier pour être usineur ou soudeur uniquement pour de mauvaises raisons et qu’il s’enferme de ce fait dans une voie de garage.

Choisir de travailler en atelier peut et doit relever d’une vraie motivation, tout comme de choisir d’y rester toute sa vie professionnelle durant. Parce qu’on progresse sans arrêt, on développe de nouvelles compétences dans son métier, on travaille sur des projets de plus en plus complexes, à haute valeur ajoutée, etc. Si tous nos soudeurs envisageaient leur métier uniquement comme une étape pour devenir ingénieur, parce qu’ils n’ont pas suivi le cursus classique de la filière générale et des classes préparatoires, on aurait du souci à se faire ! Heureusement, ils s’y épanouissent et ont envie de rester.

C’est terminé le temps où on avait d’un côté les manuels et de l’autre les cerveaux. La relation Homme-machine a considérablement évoluée au profit de l’Homme qui peut exprimer l’ensemble de ses qualités. En plus, dans nos métiers, il y a la satisfaction de se sentir utile à la société.

Que retenez-vous de votre expérience auprès d’Ilyse ?

J’ai vraiment apprécié l’ouverture d’esprit et l’envie d’agir. C’était l’occasion d’un réel échange entre nous et d’une mise en relation durable. Pour ma part, ça me booste : je souhaiterais intervenir dans un plus grand nombre d’établissements encore.

D’ailleurs, s’il y a un message que j’aimerais faire passer aux industriels c’est celui d’accepter de consacrer du temps aux jeunes. On a tous des plannings surchargés, mais choisir de consacrer ½ journée ou plus dans l’année pour intervenir devant une ou plusieurs classes pour leur parler de nos métiers industriels d’avenir me parait primordial.

Personne d’autre ne le fera à notre place, c’est d’utilité publique.

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