Carine Ogounchi
Principale du collège Marc Seguin de Saint-Étienne
Carine Ogounchi, Principale du collège Marc Seguin de Saint-Étienne, représente la voix des collèges au sein du Comité local école entreprise (Clée) sur le territoire Loire Sud, dont le but est de développer des partenariats entre l’Éducation Nationale et les milieux économiques. Carine a accepté de se joindre à Ilyse en tant qu’experte consultée pour établir le premier appel à projets lancé par la Fondation début 2022 et dont le thème était : « L’industrie pour les 11-16 ans : tout un monde à (re)découvrir ! ».
Pourquoi avez-vous accepté cette mission d’expertise pour Ilyse ?
Parce que cet appel à projets s’adresse notamment aux collégiens. Pas facile à cet âge de se projeter dans sa future vie professionnelle, chacun a pu en faire l’expérience. D’autant moins quand, pour la grande majorité d’entre eux, ce qui conditionne la poursuite en filière générale-technologique ou professionnelle est le seul bulletin scolaire.
Rares sont donc les élèves à s’orienter dans une filière menant au monde de l’industrie spontanément… Et pourtant, c’est bien à ces âges-là qu’il est nécessaire de commencer à semer des idées de métier, à planter un décor qui déconstruit les idées reçues, pour récolter demain une orientation choisie en toute conscience. Apporter de la cohérence et une plus grande force de frappe aux multiples actions de découverte de l’industrie dans les collèges, c’est ce qui m’a convaincu d’adhérer à la démarche d’Ilyse.
Qu’avez-vous apporté dans cet appel à projets ?
De la connaissance terrain sur la réalité du fonctionnement d’un collège et sur les freins rencontrés par les élèves lors de leurs premiers pas en direction des milieux économiques et plus particulièrement du monde industriel. Je voulais m’assurer que les actions de médiation sélectionnées parviennent à toucher les 11-16 ans.
Concernant les freins, il s’agit d’abord d’une vision faussée de l’industrie. Ou plutôt de l’usine. Pour les collégiens, il s’agit d’un endroit sale, où on porte un bleu de travail et où on fait les 3×8. Dans le meilleur des cas, on y est ingénieur, sinon on travaille à la chaîne. Entre les deux, rien. Et ne parlons pas des fonctions supports qui sont méconnues. Cet univers aux codes masculins fait fuir les jeunes filles quand elles ne s’autocensurent pas face à un parcours scientifique et technique annoncé. L’imaginaire des collégiens concernant l’industrie n’est pas conforme aux évolutions des métiers et formations.
La fin de l’histoire du bassin minier stéphanois a laissé des traces traumatiques dans les familles de nombre d’entre eux. Ensuite, on n’entre pas dans une usine comme dans un commerce ou un cabinet d’infirmier libéral, pour y déposer son CV dans l’espoir d’obtenir un stage de découverte en entreprise en 3ème… Ce n’est pas un monde visible et encore moins accessible. Enfin, l’industrie n’est pas le seul secteur à nous solliciter pour intervenir dans nos classes. L’aide à domicile ou la restauration, pour ne citer que ces secteurs, peinent à recruter mais au moins ils représentent des univers connus, voire familiers, aux yeux des collégiens.
Des initiatives de médiation industrielle qui font intervenir des professionnels ou ouvrent les sites aux jeunes, existent, mais il faut leur apporter plus de visibilité, de cohérence pour, in fine, les rendre plus accessibles. C’est essentiel pour convaincre des collègues, aujourd’hui réticents, à recourir à ces dispositifs. Telle était la vocation de cet appel à projets.
L’industrie doit devenir pour les collégiens une orientation aussi concrète que la restauration ou l’aide à domicile.
Qu’est-ce que le fait de travailler pour cet appel à projet vous a apporté ?
J’ai pu rencontrer des professionnels de l’industrie que je ne connaissais pas. Des gens que je n’aurais jamais côtoyés si j’étais restée dans mon collège, comme le vice-Président de Saint-Étienne Métropole, qui sont là pour soutenir un territoire, mettre en œuvre des actions. C’est très intéressant d’avoir une vision territoriale et décloisonnée pour ce genre d’actions. Depuis que je travaille dans un collège, c’est la première fois que j’ai une telle opportunité et je tiens à dire que si nous avons tous des besoins différents, des synergies sont possibles et souhaitables. Ilyse y contribue.