De l’importance de « faire médiation » : entretien avec Florence Belaen

Portrait Florence Belaen

Florence Belaen

Directrice Sciences et société à l’Université Lumière Lyon 2, et Vice-présidente en charge du lien avec les Universités et les établissements de recherche (Amcsti)

Vous êtes une experte de la médiation scientifique et technique : pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ?

Florence Belaen : La médiation scientifique et technique sert la diffusion de la culture des sciences et des innovations technologiques auprès du grand public. Elle répond ainsi à un double enjeu d’acculturation collective et d’approche critique des sciences et des techniques par la société.

Mais faire médiation ne se limite pas à diffuser les connaissances établies : il s’agit de mettre en place un niveau de partage et d’être à l’écoute des citoyens, de leurs besoins, de leurs attentes. La médiation est un véritable levier d’échanges !

Aujourd’hui, l’approche participative, qui fait la part belle à l’esprit critique, a remplacé la simple diffusion des connaissances auprès des publics. C’est un parti-pris que nous observons par ailleurs plus largement dans la vie citoyenne ; soutenu par la montée en puissance des technologies numériques notamment. Souvenons-nous des polémiques qui ont émergé lors de la crise du Covid, ou ayons à l’esprit les débats actuels autour de l’intelligence artificielle ! Les notions de connaissances, d’éthique et d’acceptabilité scientifiques sont perpétuellement remises en discussion. Il y a par conséquent à travailler et à approfondir une culture du débat, du dialogue, autour des connaissances scientifiques et techniques. La médiation en est le support.

Vous êtes également membre du bureau de l’Amcsti : quelques mots pour présenter cette association ?

Florence Belaen : L’Amcsti est l’Association des Musées et Centres pour le développement de la Culture Scientifique, Technique et Industrielle. Nous sommes un réseau national qui compte 300 membres, issus de secteurs multiples, ce qui contribue à une diffusion optimisée de nos missions. Professeurs, media, musées, CCSTI (centres de culture scientifique, technique et industrielle), associations d’éducation populaire – telles que Planète Sciences, bibliothèques, jardins botaniques, aquariums… L’Amcsti, c’est une variété d’acteurs qui oeuvrent pour le partage des connaissances.

Depuis les années 80, les acteurs de la médiation s’attachent aussi à montrer et à démontrer les savoir-faire illustrés par les innovations scientifiques, techniques et industrielles, et à développer des possibilités de dialogue de questionnement mutuel : on se rend bien compte de la pertinence de cette approche !

En cela l’Amcsti et la fondation ILYSE partagent une même conviction. Car faire médiation c’est justement LA solution proposée par Ilyse pour répondre aux défis du maintien et du redéploiement des activités industrielles à l’échelle de nos métropoles. Il s’agit de recréer les conditions d’une connaissance partagée par les habitants, des activités et des savoir-faire productifs de nos territoires. La Fondation aligne ainsi les discours publics, les priorités de souveraineté nationale édictées par l’Etat, avec l’action locale d’opérateurs de la médiation engagés et fédérés autour de projets pluri partenariaux. En agissant de manière systémique, Ilyse devient un ambassadeur majeur de la médiation industrielle et concourt, par son réseau, à diffuser largement cette démarche. C’est la raison pour laquelle l’Amcsti rejoindra prochainement la gouvernance d’Ilyse.

Pour quelles raisons cette solution de médiation industrielle est-elle pertinente face aux problématiques rencontrées par l’industrie aujourd’hui ?

Florence Belaen : C’est la base ! Faire voir, faire savoir, faire débattre.

Soyons lucides : le monde industriel est assez méconnu par les Français. Existent donc des enjeux de meilleure connaissance, de meilleure image et de capacité, pour les industriels, à démontrer leurs savoir-faire, à « ouvrir leurs portes » au grand public pour qu’il puisse comprendre ce qu’il se passe « derrière les murs ».

Mais montrer ne suffit pas. Il faut aussi porter le débat citoyen autour de questions cruciales pour l’industrie demain : Quelle(s) industrie(s) souhaite-t-on ? Une production locale ? Délocalisée ? Pour quelles capacités, types de productions ? Comment partageons-nous la responsabilité environnementale entre consommateur-citoyen et industriel ? Lequel est par ailleurs consommateur-citoyen aussi…

Il faut bousculer l’écosystème, et pour cela il est indispensable de mettre en place du dialogue, des rencontres, et d’amener vers la compréhension et l’acceptabilité. C’est le propre de la médiation que de partager les connaissances et d’alimenter la culture du débat. Avec, pour la médiation industrielle, le dessein d’amener un nouveau regard sur l’industrie qui deviendra vecteur de réussite.

Vous agissez aux côtés de la fondation ILYSE : quel est votre rôle et qu’est-ce que cela vous apporte ?

Florence Belaen : Mon rôle est de conseiller et d’accompagner la fondation ILYSE dans le positionnement de ses propositions d’appels à projets, et l’accompagnement des acteurs de la médiation, particulièrement ceux issus des CCSTI.

Mon parcours auprès de la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris, puis en responsabilité des départements Sciences, Culture et Société à l’Université de Lyon et aujourd’hui à Lyon 2 me confère une certaine expertise de ces domaines. C’est donc tout naturellement qu’Ilyse m’a sollicitée pour participer à l’élaboration de la proposition d’appel à projets sur l’axe « Culture Industrielle » de la Fondation ; puis en tant qu’experte qui participera à l’examen des réponses apportées par les acteurs locaux de la médiation à la problématique soumise.

Cette méthodologie innovante d’élaboration d’appel à projets et d’accompagnement des candidats me permet de donner une nouvelle utilité à mes connaissances, aux réseaux que je côtoie. Elle incite en outre l’Amcsti à développer la dimension « industrielle » des CCSTI.

Enfin, travailler avec Ilyse ouvre de nouvelles perspectives de collaboration territoriale puisqu’elle agit sur les métropoles de Lyon et de Saint-Etienne. Deux villes que l’on oppose souvent mais qui ont beaucoup en commun.

Pour son appel à projets 2023, Ilyse installe la thématique de la culture industrielle : à votre avis, pourquoi est-ce essentiel ?

Florence Belaen : À mon sens, la culture industrielle, d’un point de vue stratégique, a toute sa place dans les thématiques que se doit de porter Ilyse. Comment appréhender le futur de notre industrie locale sans en connaître le passé – même s’il fut parfois douloureux – et en méconnaître complètement les réalités actuelles ?

Par ailleurs cet appel à projets est très ouvert et très souple. Les modalités de candidature permettent de penser des choses sans trop de contraintes de fonctionnement, et j’adhère complètement à cette approche !

C’est dans ce contexte que j’ai assisté le mois dernier, à l’atelier collaboratif « Boostez votre candidature ! ». Il s’agissait d’orienter et d’accompagner de potentiels candidats à cet AAP vers des synergies partenariales et la formulation concrète de leurs projets. Le déroulement de cette journée, la mise en place de supports dédiés : tout était réuni pour inciter les participants à cerner l’impact et l’importance de la culture industrielle au travers de travaux prometteurs. Les personnes présentes se sont prêtées au jeu, ce qui a renforcé les liens entre elles. Le lien entre médiation artistique et culturelle, et médiation industrielle est bel et bien possible !

Haut de page Haut de page