Dans le cadre de son parcours « découverte de l’industrie », l’association Télémaque, lauréat d’Ilyse, a permis à 14 de ses filleuls de se rendre chez STEEC-APMV. Après une visite des ateliers, les jeunes ont posé toutes leurs questions afin d’en apprendre davantage sur les métiers industriels. Adrien Rolland, co-dirigeant de STEEC-APMV et Marianne Barrero, chargée de partenariats chez Télémaque nous racontent cette expérience.
Pourriez-vous nous présenter STEEC-APMV en quelques mots ?
Adrien Rolland : L’entreprise STEEC, Société Technique d’Electroérosion et d’Electrochimie, créée en 1979, est spécialisée en sous-traitance en micro mécanique de précision. Nous réalisons des usinages précis avec des technologies très spécifiques pour les industries du spatial, du médical, du nucléaire, de l’automobile et de l’aéronautique… Nous travaillons également pour l’industrie agroalimentaire avec la partie rénovation de cylindres portée par l’activité APMV, Atelier de prestation des Moulins à Vent. Nous avons tout aussi bien réalisé des croix catholiques en acier inoxydable pour l’Abbaye du Diocèse d’Ajaccio que des pièces qui sont actuellement sur la Lune !
Au-delà de nos savoir-faire, STEEC porte des valeurs qui lui sont chères, la communication, l’écoute, la bienveillance, la ponctualité et la rigueur. Notre première richesse est humaine, les hommes et les femmes qui permettent à cette entreprise de tourner. La qualité de vie au travail est importante pour nous.
Comment s’est organisée cette visite ? Comment l’avez-vous abordée ?
Marianne Barrero : Nous avons rencontré Adrien Rolland lors du Meet’up & Match organisé par la fondation ILYSE à l’ECAM le 9 juin 2022. En effet, l’un des objectifs du programme Télémaque étant de faire découvrir le monde professionnel à nos jeunes mentorés, nous mettons en place des visites d’entreprises comme chez STEEC aujourd’hui. Lors de ces découvertes, nous accompagnons les collégiens et prenons le temps d’échanger avec les personnes qu’ils rencontrent. Dans ce cas précis Adrien a présenté aux jeunes son parcours et ses expériences, bonnes comme mauvaises, afin de leur donner une réalité concrète du monde industriel. Et en général, cela suscite une grande curiosité chez nos filleuls.
Adrien Rolland : Pendant les 3 heures que nous avons passées ensemble, j’ai essayé de faire en sorte qu’ils s’autorisent à poser un maximum de questions. De l’interrogation la plus naïve à la plus technique, aucune question n’est mauvaise. L’important c’est justement de se mettre à leur portée et d’adapter le discours, le niveau de technicité des réponses. Je crois que j’ai réussi à les intéresser ! C’était une très belle expérience, que je réitérerai et que j’encourage !
Marianne Barrero : Adrien a su les mettre à l’aise rapidement en se mettant à leur niveau avec simplicité et générosité.
Il nous a montré tous les recoins de l’entreprise, toutes les machines, et a permis aux jeunes de s’adresser directement aux salariés s’ils avaient des questions. C’est suffisamment rare pour le souligner !
Nos filleuls sont issus de territoires fragiles et c’est une vraie chance pour eux que de découvrir des entreprises à taille humaine comme STEEC.
Adrien Rolland, en tant qu’acteur industriel, pourquoi attachez-vous de l’importance à ouvrir les portes de votre entreprise ?
Adrien Rolland : Comme de nombreux enfants, lorsque j’étais à l’école j’ai lu Germinal de Zola et découvert Les Temps Modernes de Charlie Chaplin. Cet homme qui était en poste sur une chaîne de production industrielle, avait du mal à tenir le rythme et devait composer avec un chef qui lui hurlait dessus. Mais j’ai aussi et surtout eu la chance de voir mon père travailler au sein de son entreprise. J’ai donc tout naturellement pu mettre en balance ce que travailler, gérer une entreprise industrielle signifiait réellement. Si je n’avais pas eu cette chance, j’aurais certainement conservé l’image d’une industrie physiquement éprouvante, sale, polluante, presque aliénante et ne me serais certainement pas projeté dans une entreprise industrielle.
J’ai l’inquiétude de penser qu’aujourd’hui, dans l’esprit des jeunes, l’industrie convoque ces représentations datées et déconnectées de la réalité. En ouvrant les portes de mon entreprise je cherche à dédiaboliser l’image de l’industrie. Je veux aussi montrer que tout ce qui nous entoure quotidiennement est créé à partir de machines ou de composants issus de nos industries. Par ailleurs, j’aime aider les autres. Cette fibre de la transmission m’anime et me fait vibrer. Cela fait donc pleinement sens pour moi de montrer la réalité de notre entreprise industrielle et de promouvoir le plaisir, l’enrichissement personnel que l’on peut trouver à y travailler. Transmettre, c’est un peu la quintessence de l’humanité.
Quel sens avez-vous trouvé à travailler dans l’industrie ?
Adrien Rolland : Nos métiers ont du sens car nos résultats sont palpables. En partant d’une feuille blanche nous créons un objet fonctionnel qui répond à un besoin.
J’ai toujours eu le goût de partir d’un morceau de rien pour créer un tout. C’est ma représentation de l’industrie.
C’est ce que j’essaie de transmettre aux jeunes. Aujourd’hui c’est à moi de les convaincre de venir travailler dans mon entreprise. Ce n’est plus à eux de me convaincre de les embaucher. Le monde du travail a subi un bouleversement à la suite de la crise sanitaire. Les entrepreneurs doivent comprendre qu’aujourd’hui on ne vit plus pour travailler mais on travaille pour vivre.
Comment avez-vous procédé pour transmettre votre « passion du faire » aux filleuls de Télémaque ?
Adrien Rolland : J’ai vraiment souhaité leur montrer que peu importe d’où l’on vient, à force de le vouloir on peut y arriver. C’est clairement une partie de mon histoire : au lycée je n’excellais pas du tout en mathématiques et pourtant je suis devenu ingénieur. Il est important que les jeunes générations puissent choisir un métier qui leur convienne. Mais souvent ils ne réfléchissent pas de la bonne manière. C’est-à-dire qu’ils réfléchissent avant tout au salaire avant de rechercher à donner du sens à leur travail.
Alors, en premier lieu, j’essaie de les aider à avoir une démarche de réflexion sur leurs passions. Je leur pose des questions qui paraissent faciles sur leurs centres d’intérêts, mais dont ils n’ont pas toujours les réponses. Puis dans un second temps, j’essaie de faire coller leurs passions avec nos métiers. En cela, j’aime à croire que je participe à faire évoluer leurs perceptions de l’industrie car ce sont eux nos futurs collaborateurs et collaboratrices.
Avec Télémaque c’était l’occasion de rencontrer plusieurs jeunes en même temps venant de milieux modestes qui n’avaient pas eu la chance de découvrir concrètement l’industrie. Quand je réussis à les intéresser, je me dis que je ne fais pas ça pour rien et peut-être que je participe un petit peu à leur future réussite.
Marianne Barrero : Les jeunes que nous accompagnons connaissent les produits de grande consommation mais très peu les marchés couverts par STEEC. C’est une opportunité pour eux de voir de leurs propres yeux des machines fabriquant des pièces que l’on retrouve en orbite autour de la Terre. Car sinon ils ne sont jamais confrontés à cette réalité. Adrien a su les intéresser tout en leur montrant les objets que STEEC fabrique. Ils ont eu le droit de prendre certaines pièces dans leurs mains malgré leur extrême fragilité. Pour eux c’est un véritable crédit de confiance qu’on leur accorde. Et ça rend les choses concrètes dans leurs esprits. C’est vraiment cette forme de pédagogie que nous encourageons.
Si vous deviez résumer en 3 mots l’expérience de cette visite avec les filleuls de Télémaque ?
Adrien Rolland : Échanges, avenir, sourires !
Marianne Barrero : Curiosité, transmission, générosité ! Le pari a été réussi puisqu’en sortant de la visite, un jeune filleul m’a dit « je ne connaissais pas ce genre d’entreprise et finalement si un jour j’ai l’opportunité de faire un stage ou de travailler dans ce type de structure, je n’ai plus de préjugé ».
Adrien Rolland : Indéniablement organiser ce type de visite nécessite du temps ce qui peut être vécu comme une contrainte. Mais si l’on observe cela avec du recul et de manière régulière, finalement c’est un réel gain de temps ! J’espère avoir suffisamment marqué les esprits pour que l’un ou deux d’entre eux aient le réflexe de m’appeler lorsqu’ils arriveront sur le marché du travail. Que cela se réalise ou pas, 3 heures pour participer à leur changement de perception, ce n’est pas cher payé !